Economie - Social - Environnement

   

Les aspects économiques.

 L’énergie insulaire est souvent mois chère quand elle est issue de l’huile de coprah et le prix du gazole se démarque de plus en plus de celui de l’huile carburant. Le baril flirte avec les 75 US$ depuis 2005.

La valeur ajoutée qui est liée à cette activité de fabrication d’énergie (électrique et motrice dans le cas des véhicules et pompes) est produite et reçue localement. Dans le cas d’un carburant fossile, la valeur ajoutée est produite en Asie du Sud-Est, voir en Australie et il reste toujours le difficile problème de l’érosion des devises.

La balance commerciale conséquente de l’activité coprah est bien plus équilibrée dans le cas d’une petite île d’un archipel comme Ouvéa, celle du Pays tout entier en bénéficie.

Il est bien évident qu’une cocoteraie organisée avec une gestion serrée pourrait faire monter la production à une tonne par ha, mais cette voie n’est pas forcément un objectif si les besoins sont satisfaits en l’état actuel de la consommation.

 

Les effets induits directs et indirects principaux sur Ouvéa.

250 récoltants prennent part à cette activité, ce qui correspond à environ 100 foyers commerciaux » à la livraison,

Concernant les revenus de la valeur ajoutée locale, 36 000 000 Fcfp de « salaires » sont versés aux récoltants et entrent dans l’économie de l’île (primes comprises) d’où 36 000 Fcfp par an et par foyer.

 L’île d’Ouvéa a gagné 6 emplois à l’huilerie et 1 expert à la qualité et au contrôle du coprah livré.

 L’huilerie est incluse dans la tournée touristique des japonais.

 La production locale d’huile de coprah à usage alimentaire est au moindre coût.

 La production de 225 t de tourteau permettent une alimentation riche des porcs et des poules qui sont présents dans les tribus de l’île, dans les meilleurs cas depuis 1992.

   

On peut découper la filière arbitrairement en trois phases pour une meilleure clarté de l’exposé :

 

·        L’organisation des récoltants qui ramassent, décoquent, sèchent le coprah et le livrent en sac à l’usine de trituration – l’huilerie d’Ouvéa – Hwadrilla. Ceux-ci sont payés à la livraison après pesage et contrôle de la qualité.

 

·        L’unité de trituration de la CAAPO qui presse le coprah et qui produit de l’huile et des tourteaux.

 

·        Les « clients » pour l’huile carburant qui sont la mairie, Enercal et la savonnerie toute proche.

 

 Cette huilerie devrait certainement transformer environ 500 tonnes en cadence stabilisée.

Cet équipement est parfaitement capable d’assurer le traitement de 1000 tonnes de coprah par an, chiffre de récolte déjà dépassé historiquement (1954).

 L’activité actuelle rémunère près de 250 récoltants qui viennent régulièrement livrer le coprah séché aux portes de l’huilerie. Ceux-ci sont regroupés en une centaine de foyers familiaux. Le séchage est assuré par les coques de coco qui restent après extraction de l’amande. De nouveaux fours sont régulièrement en construction et témoignent de l’importance sociale que les insulaires accordent à cette activité.

Ces fours sont de type artisanal et conviennent parfaitement à la mission qui leur est imposée pour un coût de construction très faible.

La charpente de l’unité de séchage est en bois coupé localement.

Le foyer est composé soit de bidons en tôle (abandonnés car peu fiables), soit de tubes « pétrole » de gros diamètre.

La toiture est en tôle ondulée.

La conduite de ces fours pose cependant un seul problème : la rapidité du séchage donc la qualité du coprah est laissée au bon vouloir de l’opérateur.

Les rendements mesurés ainsi que les chiffres de production connus nous donnent pour une récolte stabilisée de 500 tonnes de coprah : 261 tonnes d’huile et 225 tonnes de tourteau qui servira à la nourriture des animaux (d’après mesures de terrain).

Cette activité représente dans ce cas 1500 heures de travail par an.

On arrive à la fois à une rémunération intéressante des récoltants et, grâce à une compensation de l’ERPA, à un alignement correct du coprah carburant sur le gazole (dont le prix est sans aucun doute également subventionné pour être aussi peu cher dans un endroit aussi reculé).

C’est le prix à payer pour s’assurer une valeur ajoutée locale et protéger les devises présentes en Nouvelle-Calédonie.

 

Le matériel installé n’est pas facteur de blocage en matière de débit annuel puisqu’il est largement surdimensionné.

Le débit d’huile de coprah dépend essentiellement de la quantité de coprah récolté. Cette dernière activité est assez irrégulière et dépend du mode de vie insulaire.

 Des solutions existent pour augmenter la productivité et permettre aux récoltants de recevoir un salaire au moins égal avec une production supérieure. Il faut alors avoir recours à une mécanisation du processus.

Différents matériels ont été testés sur des productions supérieures à celle d’Ouvéa et il serait intéressant de regarder de plus près les applications possibles si celle-ci peuvent améliorer les productions.

   

Les conséquences sociales.

Il est bien question d’augmenter le bien-être dans les îles ou plus simplement la qualité de la vie. La valeur ajoutée locale répond complètement à cette problématique.

Les emplois induits par la transformation du coprah sont divers. De nombreuses activités artisanales sont désormais possibles comme la conservation ou la transformation du poisson du lagon, l’entretien ou la construction sur l’île de bateaux ou d’engins agricoles.

 

La fabrication de l’huile permet, avant même d’être à but énergétique, de fournir la savonnerie ou d’être conditionné pour la cuisine.

Le tourteau assure par sa quantité la possibilité de faire de l’élevage qui pourrait être excédentaire par rapport à la consommation domestique des insulaires. Il en résulterait une nouvelle valeur ajoutée sur la production de viande de grande qualité.

Dans le cadre de la recherche du bien-être, il serait bon d’approfondir l’analyse de la filière en ce qui concerne le décoquage des noix. En effet le processus est toujours assez élémentaire et suppose un travail important de la part de familles de récoltant[1]. La méthode actuelle qui est complètement manuelle comporte une faible productivité pour une pénibilité maximum (Thèse, Liennard, 2003).

On peut souhaiter voir le débit de coprah augmenter par une méthode mécanisée et permettre de faire chuter notablement le prix du kilo pour mieux se situer par rapport au prix du marché.

Dans ce cas le mode de rémunération serait remis en cause.

Il faut donc poser la question aux opérateurs : le décoquage est-il une opération traditionnelle à conserver ou faut-il voir dans la direction d’un concassage mécanique pour assurer une meilleures production et dégager du temps de libre mieux valorisable ?

 

Nous avons constaté que la formation est essentielle à la pérennité de l’opération “coprah” sur Ouvéa, en effet le niveau du personnel n’était pas toujours très élevé au départ en regard des contraintes imposées par l’utilisation des matériels. Ce sentiment est partagé par les responsables locaux, ce qui est confirmé par la demande actuelle ( cf. § 3 : éléments du rapport de 1998).

 

Les propositions de formation formulées actuellement concernent :

- formation en gestion d’entreprise.

- sensibilisation à la notion de qualité.

- formation en machinisme agricole,

- formation en mécanique industrielle

- formation en maintenance industrielle.

- formation au tourisme, qui est souhaitable pour faire connaître les produits de l’organisation et greffer une activité vente au tourisme qui se développe aussi très vite sur l’île.

 - La formation à l’utilisation de moteurs à coprah dans le Pacifique :

 Les autorités Fidjiennes ont déjà pris en compte ce besoin dans le cadre des installations à venir en électrification rurale dans les parties éloignées de leur territoire. Une demande de formation fait suite à la demande des autorités Fidjiennes à la CPS pour l’électrification de deux sites avec des groupes électrogènes à huile de coprah.

Là encore, des activités vont se développer grâce à l’apport d’énergie sur les sites.

 

Les gains environnementaux.

Aujourd’hui, la preuve du bon fonctionnement de moteurs spéciaux avec de l’huile de coprah est faite et nous exposons dans ce papier les diverses externalités de ce genre d’application. Ce nouveau débouché pour le coprah est arrivé à point car aujourd’hui la SCTO[2] est fermée et la production locale de savon est très faible. De telle manière que le débouché carburant est pratiquement le seul à justifier une activité permanente de l’exploitation de la cocoteraie.

 Au début 2002 on pouvait résumer les installations diverses de fourniture d’énergie de l’île sur la base de moteur à carburant renouvelable à environ un demi MW. Dans le courant de la même année, le fournisseur principal d’électricité en Nouvelle-Calédonie, Enercal[3], a décidé l’installation d’un groupe d’une puissance d’un tiers de MW.

Les différents programmes en cours vont doter l’île d’une puissance installée en huile carburant de plus de 1 MW avant la fin 2004. Cette puissance utilisée de manière alternative peut être assurée par la production nominale de l’île de 400 à 500 tonnes de coprah en même temps que la fabrication du savon.

Si les différentes études économiques confirment l’intérêt d’une telle voie pour la conservation d’une activité locale et un captage de plus-value, il n’en reste pas moins vrai que les divers scénarios de financement de ce carburant renouvelable se heurtent sur certains sites à un carburant pétrolier au prix artificiellement bas.

C’est à ce moment qu’il est nécessaire de valoriser les gains en émissions de CO2 à l’atmosphère obtenus par de telles applications.

Tous les groupes électrogène classiques consomment du gazole selon un cycle à quatre temps. L’utilisation de gazole ou d’huile végétale ne diffère que peu en matière de consommation comme de rejets.

On retiendra qu’un kg de carburant produit 3 kg de CO2.

Un kg de carburant (gazole ou huile végétale) produit donc 3 kg de CO2 mais dans le deuxième cas ce gaz n’ira pas augmenter le stock de GES.

 Ces derniers résultats sont connus et confirmés dans le cas de l’utilisation de l’huile de coprah dans des groupes électrogènes (Vaitilingom, Liennard, 1995).

On retiendra également que 1 kg de carburant produit 1,57 m3 de CO2.

Un kilo de carburant produit également environ 4,5 kW efficaces.

Ouvéa est présentement équipé de près d’un MW de moteurs à huile coprah mais de nombreux moteurs sont encore alimentés avec du gazole. Regardons maintenant la production envisageable « d’énergie propre » sur Ouvéa.

La production d’électricité sur Ouvéa par la compagnie Enercal nécessite actuellement un apport de pétrole sous la forme de gazole de près de 810[5] tonnes par an (en 2001). Elle devrait rapidement monter au niveau de 1000 tonnes avant 2010.

La production de coprah, dans le même temps, est de 500 tonnes ce qui donne environ 260 tonnes d’huile après trituration.

 Le potentiel de l’Ile est de 1 750 tonnes de coprah[6] pour un rendement moyen de 500 kg par hectare de cocoteraie, ce qui reviendrait à pouvoir fournir à la fois la production locale de savon et l’énergie de remplacement pour toute la consommation des groupe électrogènes par la production de 963 tonnes d’huile sur la base d’un rendement pratique de pressage de 55%.

Ce dernier qui est quelque peu inférieur au besoin futur ne gène en rien car il est possible d’obtenir un rendement optimisé de 1000 kg par ha de cocoteraie en plantation gérée à l’optimum (ce qui n’est pas le cas actuel d’une récolte naturelle).

Il est donc possible de rendre cette île complètement autonome d’un point de vue énergétique. Cette dernière information est importante car les nombreux archipels du Pacifique sont très ressemblants à Ouvéa, tant sur le plan de la densité de population que sur le potentiel en noix de cocos.

 



[1] Voir thèse A. Liennard – Graphe des utilités marginales de la récolte de coprah avec progrès technique, p.419.

[2] SCTO : Société de Culture et de Transformation des Oléagineux. C’est l’entreprise qui produit le savon local Calédonien depuis le début du siècle dernier. Cette entreprise s’est éteinte en 2000 pour laisser la place à la savonnerie d’Ouvéa.

[3] Enercal : Principale société néo-calédonienne de fourniture d’électricité, avec EEC.

[4] La combustion des huiles végétales dans les moteurs diffère peu de celle des carburants pétroliers. La formule chimique de ces derniers peut s’apparenter à celle d’un carburant pétrolier et les pouvoirs calorifiques inférieurs sont du même ordre.

[5] La consommation en pétrole, ici du gazole, est de 810 tonnes sur Ouvéa, 1280 tonnes sur Marée, 840 tonnes sur l’Ile des Pins en 2001. Ces chiffres ne comprennent pas la consommation de Lifou pour sa centrale d’énergie qui est gérée par EEC. Les deux principales centrales de Nouvelle-Calédonie sont situées à Népoui et Doniembo qui consomment respectivement 80 000 et 285 000 tonnes de fuel lourd pour assurer l’électrification partielle de la Grande Terre.

[6] Potentiel Ouvéa – L. Cherrier 91 – Rapport de l’ICODEV – chiffres de 1954 et Manciot – IRHO (1979).